CATARACTE
MIKAEL GUEDJ
DEFINITION
Le cristallin est une lentille intra-oculaire transparente située derrière l’iris,
qui peut être assimilée à l’objectif d’un appareil photographique.
La cataracte désigne l’opacification partielle ou totale du cristallin,
le plus souvent liée à une altération de la vision.
1 cm
< 0,4 cm
CRISTALLIN CLAIR DU SUJET JEUNE
ILLUSTRATION © M.GUEDJ
La cataracte se caractérise par la modification de transparence, d’indice et de géométrie du cristallin, responsable en évoluant d’une gêne visuelle plus ou moins marquée :
- baisse de l’acuité visuelle et de la sensibilité aux couleurs et aux contrastes,
-myopisation d’indice souvent (l’oeil voit plus flou de loin)
-aberrations optiques de haut degré pouvant entraîner éblouissements (photophobie), halos lumineux et vision double (diplopie monoculaire).
Les causes de cataracte sont largement dominées par la cataracte sénile, liée au vieillissement, qui constitue l’évolution habituelle du cristallin après l’âge de 65 ans. Certaines cataractes apparaissent plus précocement, d’autres plus tardivement, mais 2/3 des personnes en sont atteintes après 80 ans et 100% le seraient après 100 ans !
Les autres causes de cataracte sont variées. Citons parmi les plus fréquentes :
-les cataractes traumatiques, unilatérales (choc reçu sur l’oeil entraînant une opacification cristallinienne rapide)
-les cataractes cortisoniques, liées à la prise prolongée ou en fortes quantités de corticoïdes (cortisone) par voie générale ou locale.
-les cataractes congénitales, de découverte précoce chez le jeune enfant.
-les cataractes métaboliques, dominées par le diabète.
-les cataractes liées à une inflammation intra-oculaire prolongée ou mal contrôlée et récidivante (uvéite).
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LA CATARACTE, SES CAUSES ET SES CONSEQUENCES
CHIRURGIE DE LA CATARACTE :
DU BILAN AUX SUITES OPERATOIRES
La cataracte désigne à l’origine une grande chute d’eau sur un fleuve, ce qui explique la photographie de Marilyn Monroe posant devant les chutes du Niagara en tête de ce chapitre.
L’usage du terme cataracte en ophtalmologie vient du fait que les patients voient à travers leur cristallin opacifié une image voilée, comme observée de derrière une cascade.
CRISTALLIN CATARACTÉ
DU SUJET ÂGÉ
DIAGNOSTIC ET BILAN D’UNE CATARACTE
Le diagnostic de cataracte est clinique et se fait à l’examen à la lampe à fente chez l’ophtalmologue. Il permet d’objectiver l’opacification du cristallin, qu’il est possible de classer en grades et en sous-types anatomiques, selon l’importance et la localisation des opacités.
CATARACTE
Aspect à la lampe à fente d’une cataracte sénile, cortico-nucléaire, vue en balayage
dont les contours antérieur et postérieur sont marqués par des pointillés jaunes.
Cataracte vue de face en éclairage direct (sans balayage par une fente lumineuse)
Les opacités périphériques (d’aspect floconneux) sont ici particulièrement marquées.
CATARACTE CORTICO-NUCLEAIRE CLASSIQUE DU SUJET ÂGÉ
NOYAU
CORTEX
CATARACTE SOUS-CAPSULAIRE POSTERIEURE
CAPSULE POSTERIEURE
CAPSULE ANTERIEURE
CATARACTE SOUS-CAPSULAIRE ANTERIEURE
CAPSULE POSTERIEURE
CAPSULE ANTERIEURE
CATARACTE BRUNE
ILLUSTRATION © M.GUEDJ
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ILLUSTRATION © M.GUEDJ
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CATARACTE BLANCHE TOTALE
ILLUSTRATION © M.GUEDJ
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Si le diagnostic est la plupart du temps aisé pour les cataractes évoluées, il est parfois difficile d’évaluer le rôle d’une cataracte toute débutante dans la gêne visuelle décrite : la gêne fonctionnelle n’est pas proportionnelle aux opacités visibles par l’ophtalmologue à la lampe à fente, ce qui revient à dire, comme souvent en médecine, qu’il n’y a pas de parallélisme anatomo-clinique.
Une mesure de la diffusion lumineuse par des appareils type OQAS (Optical Quality Analyzing System) peut permettre d’objectiver un trouble de la transparence des milieux dans les formes très débutantes de cataracte, et pourrait amener à classer selon le retentissement sur la qualité de vision plutôt que sur l’aspect biomicroscopique des cataractes minimes mal différenciables à la lampe à fente, comme illustré sur l’exemple ci-dessous.
PSF PLUS ETALÉE
(STIGMATISME REDUIT)
PIC DE PSF ETROIT
(STIGMATISME CONSERVÉ)
QUALITÉ OPTIQUE DÉGRADÉE
QUALITÉ OPTIQUE ENCORE SATISFAISANTE
CATARACTE # 1
CATARACTE # 2
Le traitement de la cataracte est toujours chirurgical : il consiste en l’ablation du cristallin cataracté, et son remplacement par une lentille transparente de puissance adaptée.
Les examens à pratiquer avant la chirurgie sont classiquement au nombre de deux :
1. CALCUL DE LA PUISSANCE DE L’IMPLANT : la mesure de la longueur axiale (biométrie) et du rayon de courbure de la cornée (kératométrie), habituellement faite lors du même examen (IOL master), permet de calculer de manière précise, par une formule mathématique, la puissance de l’implant à poser en remplacement du cristallin.
2. CONSULTATION D’ANESTHESIE : elle est obligatoire en pré-opératoire, même si l’intervention est aujourd’hui réalisée sous anesthésie topique dans l’immense majorité des cas, et permet de proposer selon les cas une prémédication anxiolytique, une antiobioprophylaxie ou des précautions d’installations. Dans de rares situations (sujets jeunes, anxiété majeure, impossibilité de communication, démence), une anesthésie générale peut toutefois être indiquée.
La plupart des traitements généraux peuvent être poursuivis en vue d’une chirurgie de la cataracte (aspirine, anti-coagulants, anti-hypertenseurs...), ne provoquant pas de saignement et se déroulant en ambulatoire.
Certains médicaments pris en cas d’adénome de prostate (α-bloquants) sont connus pour occasionner des difficultés opératoires (iris flasque), mais leur interruption est inutile s’il s’agit d’un traitement chronique au long cours.
★ Ces deux examens obligatoires peuvent être complétés au besoin par des demandes spécifiques selon les anomalies éventuelles de l’examen clinique :
OCT maculaire en cas d’anomalies de la partie centrale de la rétine (ex: maculopathie liée à l’âge = DMLA ou diabète),
topographie cornéenne et aberrométrie si la pose d’implants spéciaux est envisagée (implant torique ou multifocal - voir plus loin)
échographie en mode B si le fond d’oeil est inaccessible (ex: cataracte blanche obturante),
comptage cellulaire endothélial par microscopie spéculaire si il existe des anomalies cornéennes (ex: “cornea guttata”),
champ visuel en cas d’anomalie de la terminaison du nerf optique (ex: glaucome chronique)
etc...à adapter au cas par cas.
Enfin, un examen du fond d’oeil doit toujours être pratiqué afin de rechercher des anomalies de la rétine susceptibles de compromettre une bonne récupération visuelle : en effet, si la partie centrale de la rétine (appelée macula) est altérée (cas notamment de la dégénérescence maculaire liée à l’âge ou DMLA), le bénéfice fonctionnel après ablation du cristallin et mise en place d’un implant n’est pas assuré, ce qui doit être clairement expliqué en consultation pré-opératoire.
Il s’agit d’une chirurgie ambulatoire, ce qui signifie qu’un patient opéré le matin peut sortir en début d’après-midi et passer la nuit chez lui.
L’opération dure de 10 à 25 minutes par oeil, sous anesthésie locale simple (gouttes anesthésiantes ou gel appliqué sur l’oeil). L’oeil dont la vision est la plus faible est généralement opéré en premier, suivi de l’autre oeil 2 à 4 semaines plus tard - les deux yeux ne sont jamais opérés le même jour en raison du risque infectieux -
La chirurgie consiste en l’ablation du cristallin, fragmenté au moyen d’ultrasons et aspiré par une sonde (technique appelée “phako-émulsification”), et en la mise en place d’un implant transparent souple, injectable par une incision de moins de 2,5 mm située au bord de la cornée.
LA CHIRURGIE
LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES
LE CHOIX DE L’IMPLANT
LES SUITES OPERATOIRES
La récupération fonctionnelle est excellente dans la très grande majorité des cas, avec une acuité visuelle déjà satisfaisante dans les 72 heures suivant la chirurgie.
Les lunettes ne sont toutefois prescrites que 3 semaines à 1 mois après l’opération du deuxième oeil.
Un contrôle à la lampe à fente est effectué le jour (ou le lendemain) de l’opération. Deux rendez-vous post-opératoires sont ensuite à prévoir, respectivement une semaine et un mois après chaque chirurgie.
Des gouttes antibiotiques et corticoïdes sont à instiller dans l’oeil opéré, 4 fois par jour pendant les 3 semaines suivant le bloc. Une coque transparente à mettre sur l’oeil est également prescrite pour les premières nuits, dans le but d’éviter des pressions intempestives sur un globe oculaire encore fragile.
Les complications sont heureusement très rares, mais ne sont pas virtuelles !
Elles sont dominées par l’infection (endophtalmie), qui représente le risque opératoire le plus redouté et le plus grave (perte de l’oeil possible en cas de germe sévère et de retard au traitement), même si son incidence est seulement de 1 à 3 pour 1000 en France.
D’autres événements, plus bénins et plus transitoires, peuvent être gênants dans les suites opératoires : oedème de cornée (après chirurgie d’une cataracte très dense, généralement résolutif en quelques jours), inflammation intra-oculaire post opératoire (notamment chez les sujets atteints d’uvéite, ou à l’arrêt des collyres corticoïdes post-opératoires), ou simplement fatigue et nausées après la prémédication anesthésique.
Il est classique que l’oeil larmoie, picote ou démange (modérément) dans les jours qui suivent la chirurgie. Ce sont des sensations post-opératoires habituelles, communes à presque tous les patients.
En revanche, un oeil très rouge ou très douloureux n’est pas habituel du tout, et doit motiver une consultation rapide aux urgences ophtalmologiques (Hôtel Dieu, Fondation Rothschild ou XV-XX à Paris) pour éliminer une infection (endophtalmie), en particulier si ces signes surviennent dans la semaine suivant l’opération.
Enfin, et pour finir sur une note plus gaie, il est à savoir que la capsule postérieure du cristallin (laissée en place pour soutenir l’implant) peut se fibroser dans les années qui suivent l’opération (1/3 à 3 ans environ), et être responsable de la réapparition d’un flou visuel. On parle de “cataracte secondaire”, mais c’est un mauvais terme, qui prête à confusion (il n’y a plus de cataracte car le cristallin a été complètement retiré lors de l’opération). Il est préférable de parler d’”opacification capsulaire postérieure”, comme le représente le schéma ci-dessous. Le traitement est simple et ne prend que quelques minutes : il s’agit d’une ouverture localisée de la capsule opacifiée, en son centre, par le laser YAG.
IMPACTS DE LASER YAG (EN ROUGE) DECOUPANT LE CENTRE DE LA CAPSULE POSTERIEURE OPACIFIÉE
ASPECT À LA LAMPE APRÈS UNE CAPSULOTOMIE :
LE CENTRE DE L’AXE OPTIQUE EST DÉGAGÉ
ASPECT À LA LAMPE DE L’OPACIFICATION CAPSULAIRE POSTERIEURE
(ASPECT TYPIQUE DE PERLES D’ELSCHNIG)
OPACIFICATION DE LA
CAPSULE POSTERIEURE
(EN VIOLET)
ILLUSTRATION © M.GUEDJ
ILLUSTRATION © M.GUEDJ
Cet implant peut être monofocal ou multifocal, définissant deux approches à bien expliciter lors de l’examen préalable à la chirurgie :
★l’approche monofocale : un implant monofocal emmétropisant permet de bien voir de loin sans lunettes, et nécessite de porter des lunettes pour la lecture. C’est la solution choisie par la majorité des patients en pratique de routine. Un implant monofocal myopisant autorise à l’inverse une bonne vision de près sans lunettes, et implique le port de lunettes pour la vision de loin. C’est l’option proposée aux personnes myopes, habituées toute leur vie à pouvoir bien lire sans lunettes.
★l’approche multifocale : un implant multifocal autorise une vision de loin et de près sans lunettes, chez des personnes remplissant des conditions strictes d’éligibilité (emmétropes, non astigmates, avec cornées régulières et peu d’aberrations optiques) et très motivées, choisissant le confort d’une indépendance en lunettes au prix d’inconvénients et effets secondaires non négligeables (halos lumineux, diminution de la sensibilité aux contrastes à faible éclairage...et surcoût de l’implant !).
Enfin, et indépendamment de la stratégie choisie, la mise en place d’un implant torique corrigeant l’astigmatisme cornéen peut être proposée chez les personnes avec astigmatisme significatif (> 1 à 1,5 D) et régulier sur la topographie cornéenne.
➭ Voir la communication “Chirurgie phaco-réfractive - les nouveaux implants”
CATARACTE ÉVOLUÉE
ILLUSTRATION © M.GUEDJ
ILLUSTRATION © M.GUEDJ
IMPLANT
INTRA-OCULAIRE TRANSPARENT
CHIRURGIE