uveites
MIKAEL GUEDJ
DEFINITION
Le terme d’uvéite désigne une inflammation intra-oculaire, pouvant toucher les segments antérieur (chambre antérieure, iris, corps ciliaires), intermédiaire (vitré) ou postérieur (rétine) du globe oculaire. Ses causes, extrêmement variées, peuvent être d’origine infectieuse, inflammatoire, tumorale (pseudo-uvéites), constituer des maladies isolées ou systémiques (association à d’autres organes atteints) ou encore rester d’origine inconnue !
Leur traitement repose le plus souvent sur des corticoïdes locaux ou généraux.
INFLAMMATION
DE CHAMBRE ANTERIEURE
(= TYNDALL)
ILLUSTRATION © M.GUEDJ
..
........
..
.. ...... . ... .. .. .
INFLAMMATION VITRÉENNE
(= HYALITE)
FOYER RÉTINIEN
PRÉCIPITÉS
RETRO-CORNÉENS
SYNÉCHIES
IRIDO-CRISTALLINIENNES
UVÉITE ANTÉRIEURE
UVÉITE INTERMÉDIAIRE
UVÉITE POSTÉRIEURE
La diversité des causes et la variabilité des présentations cliniques rendent souvent difficile de proposer une explication simple des uvéites.
En effet, elles peuvent s’intégrer à une maladie systémique (avec manifestations générales touchant d’autres organes) ou être strictement limitées à l’oeil (atteinte oculaire isolée). Parallèlement, leur origine peut être inflammatoire ou infectieuse, et environ un tiers des uvéites demeure d’origine inconnue.
Enfin, classées à part sous le terme de “pseudo-uvéites”, il existe certaines affections distinctes pouvant simuler une inflammation intra-oculaire (hémorragie, corps étranger, tumeurs...).
Face à cette difficulté de classification étiologique, le schéma suivant constitue une tentative didactique de répartition des causes d’uvéite les plus souvent rencontrées en pratique courante.
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DES ORIGINES EXTREMEMENT VARIEES
ANALYSE CLINIQUE D’UNE UVEITE
PRÉCIPITÉS RETRO-CORNÉENS
PRÉCIPITÉS RETRO-CORNÉENS FINS
PRÉCIPITÉS RETRO-CORNÉENS STELLAIRES DIFFUS
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CATARACTE ÉVOLUÉE
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IMPLANT
INTRA-OCULAIRE TRANSPARENT
CHIRURGIE
+“Pseudo-uvéites”
⦁ Sang (hyphéma, hémorragie intra-vitréenne)
⦁ Corps étranger intra-oculaire, dispersion pigmentaire
⦁ Tumeurs (lymphome, mélanome, métastases, rétinoblastome..)
⦁ Dystrophique / dégénératif / génétique (amylose..)
⦁ Infections (endophtalmies)
• Uvéite liée à l’antigène HLA B27 +++++
• Sarcoïdose +++
• Arthrite juvénile idiopathique (AJI)
• Entérocolopathies chroniques (MICI)
• Maladie de Behçet
• Sclérose en plaques
• Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada
• Tuberculose
• Syphilis
• Maladie de Lyme
• Bartonellose (maladie des griffes du chat)
• Rickettsiose, brucellose, Whipple,
• lèpre, leptospirose...
• Endophtalmie endogène (cf. “pseudo-uvéites”)
• Cyclite de Fuchs
• Syndrome de Posner-Schlossman
• Choriorétinopathie de birdshot
• Choroïdite multifocale (CMF), ponctuée interne (PIC)
• Epithéliopathie en plaques (EEP)
• Choroïdite serpigineuse
• Syndrome des taches blanches évanescentes
• Ophtalmie sympathique
• Herpès (HSV) +++
• Virus varicelle-zona (VZV)
• Nécrose rétinienne aiguë (ARN)
• Toxoplasmose oculaire +++++
• Toxocarose
à part:
(présumé ou prouvé)
≃ 1/3
≃ 1/4
L’interrogatoire joue un rôle important dans l’évaluation initiale d’une uvéite, car les éventuels signes extra-ophtalmologiques retrouvés permettent d’orienter vers une cause d’inflammation, comme le représente de manière simplifiée le schéma suivant.
Toux, Dyspnée
Douleurs lombaires inflammatoires
Erythèmes noueux
Folliculite,
Hyper-ergie cutanée
Diarrhées
glairo-sanglantes
UVÉITE LIÉE À L’ANTIGÈNE HLA B27
SARCOÏDOSE
ARTHRITE JUVÉNILE IDIOPATHIQUE
Arthrites de l’enfant
(genoux++)
MALADIE DE Behçet
Aphtes buccaux et génitaux
Toux, dyspnée, crachats sanglants
Etat général altéré, sueurs nocturnes
TUBERCULOSE
MALADIE DE CROHN,
RECTOCOLITE HÉMORRAGIQUE
MALADIE DE VOGT-KOYANAGI-HARADA
Méningite
Vitiligo,
poliose
RÉTINITE VIRALE
(HSV, VZV),
SYPHILIS..
Infection VIH,
toxicomanie
Classification des uvéites selon le site primitif de l’inflammation
SYNÉCHIES
IRIDO-CRISTALLINIENNES
1. UVEITES ANTERIEURES
PRÉCIPITÉS RETRO-CORNÉENS GRANULOMATEUX
“EN GRAISSE DE MOUTON”
Les précipités fins (ou non granulomateux) peuvent être observés dans toutes les causes d’uvéite antérieure.
Les précipités granulomateux limitent la liste des causes d’uvéite :
- Sarcoïdose et Tuberculose au 1er rang
- Toxoplasmose
- Sclérose en plaques
- Syphilis, herpès, lèpre, Lyme, brucellose, HTLV-1
- Vogt-Koyanagi-Harada et ophtalmie sympathique
- uvéite phaco-antigénique, uvéite médicamenteuse
Phlébites
Les précipités stellaires (aspect en étoile ou en flocons de neige) répartis jusqu’en haut de la cornée (diffus) sont extrêmement évocateurs de cyclite de Fuchs, maladie mystérieuse marquée par le contraste entre l’étendue des précipités et de l’hypertonie oculaire constatées et une inflammation de chambre antérieure quasi nulle, sans synéchies, et sans réponse aux corticoïdes. L’association d’une cataracte, et parfois d’une hétérochromie irienne (différence de couleur entre les deux yeux par atrophie diffuse du feuillet superficiel de l’iris atteint) est classique dans le tableau de cette maladie unilatérale d’évolution chronique.
Surdité
Paralysie faciale,
parotidite
HYPOPION
HYPOPION
Un hypopion correspond à la sédimentation de débris cellulaires et protéiques en chambre antérieure.
La présence d’un hypopion doit faire suspecter 3 causes en priorité :
- Uvéite liée à l’antigène HLA-B27
- Maladie de Behçet
- Endophtalmie
mais peut également être observé dans des “pseudo-uvéites” tumorales - rétinoblastome chez l’enfant, leucoses chez l’adulte (LLC acutisée) - et dans les uvéites médicamenteuses à la rifabutine.
INFLAMMATION DE CHAMBRE ANTERIEURE
TYNDALL
DE CHAMBRE ANTERIEURE
- cellulaire
- et protéique (flare)
L’inflammation de chambre antérieure peut être quantifiée par le TYNDALL CELLULAIRE (de 0 à 4+, côté selon le nombre de cellules apparentes sur 1 mm2) et le TYNDALL PROTEIQUE (ou FLARE, en photons/ms, côté selon le trouble de l’humeur aqueuse, et idéalement quantifié par un laser flare meter pour un suivi évolutif très précis de l’inflammation)
SYNÉCHIES IRIDO-CRISTALLINIENNES
ILLUSTRATION © M.GUEDJ
L’inflammation de chambre antérieure peut entraîner des adhérences entre l’iris et la face antérieure du cristallin, appelées synéchies irido-cristalliniennes.
Des collyres mydriatiques (dilatant la pupille) sont souvent associés aux collyres anti-inflammatoires pour prévenir l’apparition de ces synéchies, ou tenter de les faire lâcher le plus précocement possible si elles sont déjà constituées.
PIGMENTS SUR LA CRISTALLOÏDE ANTERIEURE
Si ce traitement dilatateur parvient à lever les adhérences, il persiste souvent des pigments iriens sur la capsule antérieure du cristallin, témoins de synéchies anciennes traitées à temps.
IRIS TOMATE ET BLOCAGE PUPILLAIRE
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A l’inverse, en cas d’évolution défavorable et d’extension des synéchies sur 360° (adhérences sur toute la périphérie du bord pupillaire), il existe un risque de glaucome aigu par séclusion pupillaire. En effet, l’humeur aqueuse - sécrétée par les procès ciliaires en arrière de l’iris - ne peut plus passer en avant de celui-ci pour être réabsorbée dans l’angle irido-cornéen. L’iris se déforme et apparaît bombé vers l’avant (on parle d’ ”iris tomate”), et la pression intra-oculaire peut augmenter brutalement.
Pour prévenir cette complication, une iridotomie périphérique (trou dans l’iris permettant un ‘court-circuit’ du flux d’humeur aqueuse) doit être pratiquée en cas de synéchies sur 360°.
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TRABECULUM INACCESSIBLE
IRIDOTOMIE PÉRIPHÉRIQUE
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TRABECULUM ACCESSIBLE
IRIDOTOMIE PÉRIPHÉRIQUE
ATROPHIE IRIENNE
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ATROPHIE IRIENNE SECTORIELLE
Une atrophie sectorielle de l’iris est typique d’une origine herpétique (infection à herpès virus du segment antérieur de l’oeil), mais peut également être observée au cours des cyclites de Fuchs.
L’atrophie est mise en évidence par une transillumination irienne anormale en éclairage direct à la lampe à fente.
NODULES IRIENS
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NODULE DE KOEPPE
(bord pupillaire)
La présence de nodules iriens de Koeppe (sur le bord de la pupille) ou de Busacca (sur la surface de l’iris) signe le caractère granulomateux de l’uvéite, et doit notamment faire rechercher une sarcoïdose ou une tuberculose.
NODULE DE BUSACCA
(surface de l’iris)
CATARACTE
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CATARACTE BRUNE
Enfin, une cataracte, définie comme l’opacification partielle ou totale du cristallin, peut compliquer toute uvéite très intense, très prolongée ou fréquemment récidivante. La capsule antérieure du cristallin est souvent recouverte d’une membrane cyclitique collée au bord pupillaire, comme le montrent la photo - et le schéma - ci-dessus.
Le premier temps chirurgical, lors de l’opération de la cataracte, sera de peler soigneusement cette membrane adhérente à la pince pour pouvoir obtenir une dilatation pupillaire convenable.
MEMBRANE
CYCLITIQUE
2. UVEITES INTERMEDIAIRES
..
.. ...... . ... .. .. .
INFLAMMATION VITRÉENNE
(= HYALITE)
Une uvéite antérieure est une inflammation dont le site primitif est le segment antérieur de l’oeil - chambre antérieure, iris, corps ciliaires - . Elle s’analyse selon les éléments suivants :
Une uvéite intermédiaire est une inflammation dont le site primitif est le vitré.
Les uvéites intermédiaires peuvent se compliquer d’un oedème maculaire ou de vascularites rétiniennes, sans toutefois être définies comme des uvéites “postérieures”.
La cellularité (« Tyndall vitréen ») et le trouble global ou haze du vitré (équivalent du « flare » de chambre antérieure) sont évalués selon leur intensité, même si leur analyse est parfois rendue difficile par la persistance chronique d’un Tyndall vitréen pigmenté ou d’opacités vitréennes séquellaires au décours d’une inflammation active.
Les uvéites intermédiaires chroniques peuvent se caractériser par des condensations vitréennes de forme particulière, en “flocons de neiges” (snowballs) ou en “banquise” (terminologie imaginée par un guide de haute montagne)
La discordance entre une hyalite dense et l’absence d’œdème maculaire ou de vascularites associées est évocatrice de lymphome intra-oculaire.
VASCULARITES RETINIENNES AVEC ENGAINEMENTS VASCULAIRES
VASCULARITES
Ils correspondent à des agrégats de cellules inflammatoires (macrophages, polynucléaires, lymphocytes) disposés sur la face interne de la cornée (endothélium cornéen).
Le plus souvent veineuses, les vascularites (inflammation des vaisseaux de la rétine) peuvent parfois être mixtes ou artérielles, faisant alors plus spécifiquement évoquer une maladie de Behçet ou une nécrose rétinienne aiguë (ARN).
Elles peuvent être visibles au fond d’œil sous forme d’engainements blanchâtres (photo ci-dessus), ou n’être apparentes qu’en angiographie sous forme de diffusions autour des vaisseaux ou d’hyperfluorescence de leurs parois.
Les vascularites peuvent se compliquer d’occlusions (veineuses ou artérielles) -parfois hémorragiques (Behçet, lupus et autres connectivites)- , d’ischémie rétinienne (ARN, Behçet, maladie de Eales), ou encore d’œdème maculaire par diffusion des gros vaisseaux du pôle postérieur.
HYALITE
VASCULARITES RETINIENNES
OEDÈME MACULAIRE
RETINE
OEDEME MACULAIRE
L’élément clef du pronostic visuel des uvéites est l’existence d’un œdème maculaire, visible sur le cliché angiographique ci-dessus avec diffusion tardive du colorant sous forme de logettes cystoïdes péri-fovéolaires.
Il est au mieux objectivé par un OCT maculaire -Optical Coherence Tomography- demandé de manière courante pour quantifier l’épaisseur de l’oedème et permettre un suivi évolutif extrêmement précis.
OCT maculaire normal
OCT avec oedème maculaire cystoïde
- parsemé de logettes kystiques -
(étymologiquement “ressemblant à une vessie”)
MEMBRANE ÉPIRÉTINIENNE
Ces oedèmes sont souvent traités localement, en l’absence de cause infectieuse, par des injections péri- ou intra-oculaires de corticoïdes (Triamcinolone / Kénacort® et plus récemment dexaméthasone en implant intravitréen / Ozurdex®).
Une membrane épi-rétinienne (ou épi-maculaire) est une prolifération de tissu fibro-cellulaire à la surface de la macula.
Si il est traditionnellement primitif - lié à l’âge et au décollement postérieur du vitré -, le développement d’une membrane épirétinienne constitue une des complications les plus fréquentes des uvéites intermédiaires chroniques, conséquence de l’inflammation intra-vitréenne prolongée.
Visible au fond d’oeil par un reflet brillant “cellophane” ou par des plis de la surface interne de la rétine, la membrane est beaucoup mieux analysée sur l’OCT maculaire.
Une fois constituée, une membrane peut perpétuer ou aggraver un oedème maculaire sous-jacent de manière chronique même après la résorption de l’inflammation à son origine. Son traitement devient alors chirurgical en cas d’acuité visuelle significativement diminuée.
Membranes épi-maculaires visibles sur les OCT (Tomographie en cohérence optique)
OEDÈME PAPILLAIRE
NERF OPTIQUE
ILLUSTRATION © M.GUEDJ
ILLUSTRATION © M.GUEDJ
ILLUSTRATION © M.GUEDJ
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OEDEME DE LA TÊTE DU NERF OPTIQUE
Un oedème papillaire est une turgescence de la papille avec flou des bords papillaires.
Souvent observés au cours des inflammations postérieures et intermédiaires (et même parfois antérieures prolongées), les oedèmes papillaires sont cependant peu spécifiques d’une cause particulière d’uvéite : ils peuvent en effet être observés au cours d’infections (Bartonella, syphilis...), de granulomatoses (sarcoïdose, tuberculose), ou de pathologies démyélinisantes (sclérose en plaques). Ils doivent conduire à une imagerie cérébrale, notamment en cas d’oedème papillaire bilatéral (recherche d’hypertension intracrânienne).
Ils peuvent être responsables ou non d’un retentissement sur le champ visuel, et sont caractérisés au mieux par une angiographie à la fluorescéine (dilatation des capillaires épipapillaires au temps précoce, et flou papillaire angiographique des bords aux temps tardifs).
3. UVEITES POSTERIEURES
Une uvéite postérieure est une inflammation dont le site primitif est la rétine ou la choroïde. Elle regroupe donc les entités de chorio-rétinite (au premier rang desquelles figure la toxoplasmose), rétinite, neuro-rétinite, et choroïdite -qui peut être focale, multifocale ou diffuse-.
En cas d’inflammation primitive simultanée de la rétine (ou choroïde),
du vitré et du segment antérieur, on parle alors de “panuvéite”.
Certaines lésions chorio-rétiniennes peuvent être très évocatrices cliniquement, et permettent souvent d’établir le diagnostic au simple examen du fond d’œil.
C’est notamment le cas de la cause la plus fréquente d’uvéite postérieure : la toxoplasmose oculaire. Infection parasitaire causée par la réactivation d’un kyste quiescent de Toxoplasma gondii, dont l’oeil est le principal organe cible, elle peut être congénitale ou acquise. Son aspect caractéristique au fond d’oeil associe un foyer blanc actif à proximité d’un foyer ancien cicatriciel (pigmenté ou atrophique).
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LÉSION
(CHORIO-) RÉTINIENNE
SPÉCIFIQUE
RÉTINE
CHOROÏDE
La prise en charge des uvéites postérieures, guidée par l’ensemble de ces éléments sémiologiques, conduira volontiers à la réalisation d’une ponction de chambre antérieure (PCA) à visée diagnostique, justifiée par la grande hétérogénéité des présentations cliniques et la gravité potentielle de l’atteinte.
Devant un tableau de rétinite extensive, dont l’origine infectieuse est suspectée en priorité, l’analyse de l’humeur aqueuse permet notamment de détecter une production locale d’anticorps anti-Toxoplasma gondii -avec calcul du coefficient de charge immunitaire ou de Desmonts (positif si > 3)- et de rechercher le génome des principaux virus du groupe herpès (HSV, VZV) par PCR virale.
Dans l'attente des résultats, il est recommandé de débuter un traitement anti-infectieux probabiliste associant anti-viraux et anti-parasitaires.
La question du traitement des uvéites postérieures est difficile à résumer ici, tant l’étendue des présentations cliniques et des causes potentielles est vaste, mais les grandes lignes de prise en charge peuvent être formulées simplement de la manière suivante :
1.Le traitement est le plus souvent une urgence relative, parfois absolue (hospitalisation immédiate dans les cas les plus graves).
2.Le traitement doit être avant tout celui de la cause (si celle-ci est retrouvée), et adapté en fonction de la gravité et de l’évolutivité clinique. Une prise en charge conjointe avec la médecine interne est la situation idéale, pour la poursuite des investigations diagnostiques (IRM cérébrale, ponction lombaire, sérologies...), l’administration de bolus de corticoïdes intraveineux (Behçet, toxoplasmose maculaire ou papillaire), d’antiviraux (nécrose rétinienne aiguë), ou encore d’immunosuppresseurs associés à une corticothérapie per os (birdshot, Behçet, lupus…).
3.Un traitement symptomatique de l’inflammation de chambre antérieure -souvent associée- doit également être rapidement débuté, par collyres corticoïdes et mydriatiques.
4.Un anti-agrégeant plaquettaire sera associé en cas de vascularite occlusive (lupus, Behçet..), ou de localisation d’un foyer sur un trajet vasculaire (toxoplasmose notamment).
5.Enfin, mentionnons qu’une simple surveillance sans traitement peut parfois suffire ! C’est le cas par exemple des foyers de toxoplasmose situés loin du pôle postérieur, avec acuité visuelle conservée et faible hyalite chez des patients immuno-compétents. Le contrôle hebdomadaire du fond d’oeil jusqu’à cicatrisation des bords du foyer permet de s’assurer de l’évolution favorable dans ces cas de figure bien précis.
FOYER ACTIF BLANC
FOYER CICATRICIEL PIGMENTÉ
CICATRICE MACULAIRE
PIGMENTÉE
BORDURE ACTIVE
Le pronostic visuel dépend de la localisation du foyer, et guide la décision thérapeutique :
- favorable en cas d’atteinte périphérique, dont la cicatrisation ne laisse pas de déficit de la vision centrale, ces formes peuvent faire l’objet d’abstention thérapeutique avec surveillance simple du fond d’oeil.
- sombre en cas d’atteinte maculaire, avec chute de la vision centrale. Une localisation maculaire, péri-maculaire ou papillaire des lésions impose un traitement anti-parasitaire urgent (pyriméthamine / Malocide® et Azithromycine/ Zithromax®), associé à des corticoïdes pour limiter l’oedème autour du foyer.
MACULA ÉPARGNÉE
FOYER DE TOXOPLASMOSE OCULAIRE
En cas de doute diagnostique, une ponction de chambre antérieure peut être demandée pour la recherche d’une synthèse locale d’anticorps anti-toxoplasmose dans l’humeur aqueuse - avec calcul du coefficient de charge immunitaire dit de Desmonts, positif si > 3 -.
Enfin, les traitements anti-toxoplasmiques n’étant pas “kysticides” (ils ne suppriment pas définitivement les parasites quiescents dans les kystes), l’évolution peut être émaillée de récidives. Si celles-ci sont trop fréquentes avec l’ombre d’une menace maculaire, un traitement préventif par cotrimoxazole / Bactrim forte® 1 cp/3j peut être proposé.
FOYERS NECROTICO-HEMORRAGIQUES
• Des lésions de nécrose rétinienne -plus ou moins hémorragiques- avec une présentation de panuvéite aiguë doivent faire éliminer en priorité une rétinite virale nécrosante, infection de la famille des herpès virus (HSV, VZV ou CMV) à progression très rapide et au pronostic redoutable.
L’ARN (Acute Retinal Necrosis), chez le sujet immuno-compétent, se présente comme une panuvéite explosive avec rétinite périphérique, vascularites occlusives et hyalite majeure.
Le PORN (Progressive Outer Retinal Necrosis), forme clinique de l’immunodéprimé (VIH+ ou terrain débilité), est une rétinite multifocale rapidement confluente avec extension vers la macula ou la périphérie, mais sans inflammation du vitré ni vascularites.
L’évolution naturelle est une progression rapide vers la cécité (par extension de la nécrose à la macula, décollement de rétine, ou atrophie du nerf optique).
Aussi, l’essentiel du pronostic tient à la précocité de la mise en route du traitement antiviral (Acyclovir IV, Foscarnet IV, Ganciclovir, Valaciclovir), d’autant plus efficace que la nécrose est peu étendue dans les ARN. Le pronostic reste malheureusement très péjoratif en cas de déficit immunitaire.
• Devant un tableau de panuvéite avec foyers nécrotico-hémorragiques, la maladie de Behçet est parfois extrêmement difficile à distinguer d’une rétinite virale nécrosante. Son diagnostic est le résultat d’un faisceau d’arguments (cf. début de page) : aphtose buccale et génitale, pseudo-folliculite cutanée, uvéite, douleurs articulaires, phlébites, atteintes neurologiques... le tout corrélé à une prédisposition génétique et un terrain particulier (origine géographique du bassin méditerranéen -Turquie en tête- ou d’Asie, prédominance masculine entre 20 et 40 ans, association forte à l’antigène HLA-B51 sans toutefois que celui-ci soit un critère diagnostique)
La sévérité de l’uvéite postérieure de la maladie de Behçet détermine le pronostic visuel.
L’association de foyers nécrotico-hémorragiques et de vascularites occlusives au fond d’oeil (atteintes veineuses et artérielles, pouvant se compliquer d’ischémie rétinienne) doit faire évoquer le diagnostic, surtout si ces signes postérieurs s’accompagnent d’une inflammation vitréenne (d’intensité variable) et antérieure (uvéite à hypopion dans sa forme typique, à précipités fins et volontiers synéchiante) et si l’atteinte est bilatérale.
Une panuvéite avec atteinte rétinienne commande de débuter en urgence un traitement systémique, le plus souvent au cours d’une hospitalisation en médecine.
Ce traitement comprend :
-Corticoïdes généraux (bolus intraveineux en cas d’atteinte grave, puis oraux)
-Immunosuppresseurs (Azathioprine / Imurel®, cyclosphosphamide / Endoxan® voire anti-TNFα)
-Colchicine pour les lésions cutanéo-muqueuses.
-Antiagrégeant plaquettaire au long cours (Aspirine)
VASCULARITES OCCLUSIVES COMPLIQUÉES DE PLAGES D’ISCHÉMIE RÉTINIENNE À 1 MOIS D’EVOLUTION
• DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS :
Il existe d’autres maladies pouvant imiter des présentations similaires de pseudo-rétinites virales :
- endophtalmie endogène bactérienne,
- toxoplasmose extensive de l’immunodéprimé,
- rétinite à CMV du VIH+,
- syphilis,
- ou encore certains lymphomes primitifs intraoculaires à présentation atypique.
SYNDROMES DES TACHES BLANCHES DU FOND D’OEIL
Il s’agit d’un groupe de pathologies ayant en commun la présence de lésions inflammatoires blanchâtres localisées à la rétine externe, à l’épithélium pigmentaire ou à la choroïde.
Selon les classifications et les auteurs, plusieurs entités répondent à cette définition:
- Choriorétinopathie de birdshot
- Choroïdite multifocale (CMF), et sa forme centrale la choroïdite ponctuée interne (PIC)
- Choroïdite serpigineuse
- Epithéliopathie en plaques (APMPPE = acute posterior multifocal placoid pigment epitheliopathy)
- Syndrome des taches blanches évanescentes (MEWDS = multiple evanescent white dot syndrome)
- Autres atteintes plus rares encore : Neurorétinite subaiguë diffuse unilatérale (DUSN),
Rétinopathie occulte externe zonale aiguë (AZOOR), Neurorétinopathie aiguë maculaire (AMN)
En réalité, les causes et mécanismes de ces affections étant affreusement mal connus, elles sont artificiellement regroupées sous le terme générique de ‘taches blanches du fond d’oeil’ en attendant de nouvelles données qui permettront des classements plus précis.
1. Le diagnostic des formes les plus typiques de choriorétinopathie de birdshot est quasi-clinique, devant l’aspect caractéristique des taches visibles au fond d’oeil, ressemblant à une volée de grenaille de plomb de chasse (‘birdshot’).
Il doit être complété par la recherche de l’allèle HLA-A29, principal gène de prédisposition à la maladie.
Cependant, la grande variabilité des présentations cliniques (s’étendant des atteintes inflammatoires avec oedème maculaire et vascularites aux formes atrophiques dites ‘pseudo-rétinites pigmentaires’) et des modes évolutifs de la maladie complique souvent l’analyse. Le traitement reste empirique mais l’analyse standardisée des paramètres cliniques et des examens complémentaires (champ visuel, angiographie, OCT) permet d’adapter au mieux les stratégies thérapeutiques à la présentation de la maladie.
3. La choroïdite serpigineuse se manifeste par une décoloration grise de l’épithélium pigmentaire rétinien, très dessinée -à contours géographiques-, débutant autour de la papille le plus souvent -parfois de la macula-, et évoluant vers l’atrophie.
Le pronostic est réservé, dépendant de l’extension maculaire des lésions, des récidives des poussées et de la néovascularisation choroïdienne (un quart des cas).
Le traitement initial consiste en des bolus de corticoïdes fortes doses à la phase aiguë, mais sans relais par une corticothérapie prolongée. Un traitement antituberculeux peut être associé selon le bilan infectieux.
2. Les lésions de choroïdite multifocale (CMF), visibles notamment au cours de la sarcoïdose, se présentent comme des taches profondes jaunâtres, le plus souvent bilatérales, de petite taille, prédominant en moyenne périphérie, parfois d’âge différent et dont certaines ont pu devenir atrophiques.
La CMF avec panuvéite de la femme jeune est volontiers récidivante, et ses complications, dominées par l’apparition de néovaisseaux choroïdiens, en dégradent le pronostic .
Sa forme mineure, la choroïdite ponctuée interne (PIC) est d’évolution plus favorable : les taches sont limitées au pôle postérieur, il n’y a pas d’inflammation antérieure ou d’oedème maculaire associé, et pas de récurrences. Une néovascularisation choroïdienne survient néanmoins dans un tiers des cas.
4. Les plaques de couleur crème, polycycliques, multiples et confluentes de l’épithéliopathie en plaques sont situées au pôle postérieur, et généralement bilatérales. Elles font souvent suite à un épisode grippal d’allure virale, faisant suspecter un mécanisme d’hypersensibilité à un agent infectieux.
Aucun traitement n’est nécessaire dans les formes typiques (surveillance simple), avec un pronostic spontanément favorable dans la majorité des cas.
5. Atteignant la femme jeune et classiquement unilatéral, le syndrome des taches blanches évanescentes (ou MEWDS pour les anglais) est caractérisé par de très petites taches blanches au pôle postérieur, non confluentes, avec hyperfluorescence précoce en “couronne” péri-fovéolaire sur l’angiographie à la fluorescéine.
L’abstention thérapeutique est la règle, puisque l’atteinte évolue spontanément vers une régression complète des lésions sans laisser de cicatrice en 1 à 3 mois.
NEURORÉTINITE STELLAIRE
L’association d’un oedème papillaire avec des exsudats disposés en étoile autour de la macula définit l’aspect typique de neurorétinite de la maladie des griffes du chat.
Infection bactérienne contractée par la morsure ou la griffure d’un chat, cette “lymphoréticulose bénigne d’inoculation” est due à Bartonella Henselae (intracellulaire dont la recherche s’effectue par sérologie ou PCR, voire par biopsie ganglionnaire) .
Le pronostic est bon dans la majorité des cas, avec disparition complète des lésions rétiniennes, mais une atrophie optique séquellaire est possible.
Si des antibiotiques sont classiquement prescrits (quinolone ou macrolide x 2 à 4 mois), ils n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité et une abstention thérapeutique est souvent suffisante - sauf chez l’immunodéprimé -.
EXSUDATS MACULAIRES
“ÉTOILÉS”
OEDÈME PAPILLAIRE
PRINCIPES GENERAUX DE PRISE EN CHARGE
HYPERTONIE OCULAIRE
ILLUSTRATION © M.GUEDJ
1. INFLAMMATION DU TRABECULUM
(TRABECULITE)
L’hypertonie des uvéites antérieures peut être liée à 3 facteurs : l’inflammation elle-même avec trabéculite (atteinte du site de résorption de l’humeur aqueuse), l’hypertonie cortico-induite liée aux collyres utilisés pour traiter l’inflammation, et enfin la séclusion pupillaire en cas de synéchies sur 360° (mécanisme expliqué plus haut).
2. COLLYRES CORTICOÏDES
3. SYNECHIES ET SECLUSION PUPILLAIRE
Si bon nombre d’uvéites antérieures peuvent entraîner une hypertonie modérée, une uvéite fortement hypertone d’emblée doit faire évoquer les causes suivantes :
- Uvéite herpétique
- Cyclite de Fuchs
- Syndrome de Posner-Schlossman
- Sarcoïdose
- Toxoplasmose...
Endothélite herpétique associée à une uvéite hypertone
Les 3 premières causes sont souvent de distinction difficile, mais ce tableau propose d’en résumer les grandes caractéristiques :
Les uvéites intermédiaires isolées sont dominées par 3 causes :
1. Idiopathiques (“pars planite”)
2. Sarcoïdose
3. Sclérose en plaques
La sarcoïdose est une maladie inflammatoire d’origine inconnue, dont l’atteinte la plus fréquente est pulmonaire, mais qui peut toucher un grand nombre d’organes dont l’oeil : les uvéites sont classiquement chroniques et granulomateuses, volontiers bilatérales, synéchiantes et hypertones, avec parfois hyalite, vascularites et taches de choroïdite multifocale au fond d’oeil.
Un scanner thoracique est couramment demandé à la recherche de ganglions médiastinaux, mais le diagnostic de certitude repose sur l’identification de la lésion typique de la maladie (un granulome épithélioïde sans nécrose caséeuse) lors d’une biopsie tissulaire (des glandes salivaires, ganglionnaire ou bronchique). Cette dernière permet souvent de faire la distinction avec une tuberculose, autre granulomatose systémique d’origine cette fois-ci bien connue, infectieuse (à mycobactérie) et très contagieuse, nécessitant une quadrithérapie antibiotique prolongée.
Le traitement des formes sévères de sarcoïdose (localisation grave cardiaque ou neurologique, uvéites ou atteinte respiratoire sévères, évolutivité de la maladie avec altération de l’état général) est la corticothérapie générale, parfois associée à un traitement immunosuppresseur. Les formes bénignes, en revanche, ne nécessitent qu’une simple surveillance ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens.