PRESBYTIE
MIKAEL GUEDJ
L’accommodation peut être assimilée à la “mise au point” d’un appareil photographique, permettant de régler la netteté sur un objet situé à une distance focale rapprochée.
C’est par la mise en jeu des muscles ciliaires et des fibres élastiques de la zonule du cristallin que ce processus dynamique est rendu possible, jusqu’à l’âge de 40 ans environ.
DEFINITION
La presbytie correspond à la perte physiologique du pouvoir accommodatif du cristallin, débutant autour de l’âge de 40 ans, et responsable d’une baisse progressive de la vision de près non corrigée évoluant avec l’âge (jusqu’à environ 55 ans).
Sans accommodation, l’image d’un objet vu de près se forme en arrière de la rétine.
C’est au prix d’un effort d’accommodation (bombement du cristallin) que l’oeil pourra refocaliser l’image sur la rétine et voir net de près.
2. Les lentilles de contact multifocales sont une alternative plus récente, mais d’adaptation difficile et imposant d’accepter un compromis entre la vision de loin et la vision de près plus ou moins bien toléré.
3. La chirurgie réfractive (Lasik) permet de remodeler la forme de la cornée afin de modifier son pouvoir optique (voir le chapitre chirurgie réfractive). Malheureusement, le caractère évolutif de la presbytie (accentuation de la faiblesse d’accommodation du cristallin avec l’âge) ne permet pas une correction définitive par le laser Excimer, mais nécessite de trouver des solutions adaptées à chaque patient, selon son amétropie (myopie, hypermétropie) et selon ses attentes (désir de privilégier la lecture, la conduite automobile...). Il s’agit à chaque fois d’un compromis, car il est impossible de rendre à chaque oeil une vision parfaite de loin et de près sans lunettes à l’âge de la presbytie, mais d’un compromis pragmatique et personnalisé. Les possibilités peuvent, de manière très simplifiée, se résumer de la manière suivante :
•Chez le myope presbyte : une “monovision“ est la solution de choix. Cette technique consiste à emmétropiser l’oeil directeur pour lui donner une vision nette de loin, et à laisser myope l’oeil non directeur (ou oeil dominé) pour la vision de près. Cette “bascule” peut être simulée au préalable en lentilles de contact afin de s’assurer de la bonne tolérance du décalage réfractif entre les deux yeux.
•Chez l’hypermétrope presbyte : une “emmétropisation“ des deux yeux permettra d’améliorer la vision de loin, ce qui entraînera une amélioration notable de la vision de près. Il est même possible de proposer une légère monovision (surcorrection légère de 0,5 D sur l’oeil dominé) si la motivation est surtout celle d’une bonne vision de près. Il est néanmoins essentiel de comprendre qu’une correction en lunettes -certes beaucoup moins fortes qu’auparavant- sera requise pour la lecture prolongée.
Le moustique était là, posé, tout en haut de la moustiquaire.
Un peu presbyte, Amédée le distinguait fort bien.
GIDE, Les caves du Vatican, 1914
André Gide a raison, la vision de loin de l’emmétrope presbyte n’est pas altérée. C’est pour la vision de près que l’addition de verres convergents permettra de refocaliser l’image dans le plan rétinien.
Il existe 4 moyens de correction de la presbytie :
1. Les verres de lunettes, convergents, biconvexes et dont l’addition (en dioptries) est proportionnelle au stade évolutif de la presbytie, c’est-à-dire à l’âge. On parle d’addition car le degré de correction de la partie inférieure du verre (ex: +1, +2, +3D), s’ajoute à la correction éventuelle de la vision de loin située dans la partie supérieure du verre. Cette addition peut être abrupte (verres “double-foyers”), graduellement croissante (“verres progressifs”) ou ne concerner que la vision de près sans verre correcteur pour la vision de loin (verres “demi-lunes”)
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2.Chez le MYOPE PRESBYTE, la vision de loin reste floue sans correction. En revanche la trop grande puissance de l’oeil myope permet naturellement une bonne mise au point en vision de près, si toutefois le degré de myopie est modéré (entre -1,50 et -4 D).
En effet, c’est à une distance “utile” de lecture située approximativement entre 1/1,5 = 0,66 m (66 cm) et 1/4 = 0,25 m (25 cm) que la vision de près sera nette sans effort.
PRESBYTIE ET AMETROPIE
rétine
OEIL PRESBYTE
FOCALISATION RAMENÉE SUR LE PLAN RÉTINIEN GRÂCE AU VERRE CONVERGENT
VERRE CONVERGENT
(ex : + 2 D)
LA PRESBYTIE ET SES SOLUTIONS
Principe du Lasik hypermétropique, creusant la cornée en moyenne périphérie pour obtenir un bombement central et augmenter la puissance optique de l’oeil (emmétropisation).
La correction de la vision de loin s’accompagnera d’une amélioration
de la vision de près, modeste sans doute, mais réelle.
Autour de l’âge de 40 ans (43 ans en moyenne), le muscle ciliaire faiblit, les fibres zonulaires perdent en élasticité, et le cristallin ne “bombe” plus assez pour augmenter la puissance optique de l’oeil : l’image d’un objet rapproché reste située en arrière du plan de la rétine, et apparaît floue. La mise au point n’est possible qu’à une distance de lecture de plus en plus éloignée. Les “bras s’allongent”. L’oeil devient presbyte !
A l’âge de la presbytie, le bombement insuffisant du cristallin ne permet plus d’obtenir une vision nette de près, notamment pour la lecture des petits caractères (ce qui rend donc particulièrement difficile la lecture de ces lignes si vous êtes presbyte...).
La vision de loin n’est en revanche pas altérée si l’oeil est emmétrope (dépourvu de défaut optique).
VISION DE LOIN NETTE
VISION DE PRES FLOUE
(accommodation trop faible)
En vision de loin, l’image est floue car focalisée en avant de la rétine (“défocus” du myope)
En vision de près, l’image est nette à une distance finie sans accommodation.
C’est la raison pour laquelle le myope modéré entre -1,50 et -3,50 environ peut le plus souvent continuer à lire sans lunettes à l’âge de la presbytie !
OEIL HYPERMETROPE
OEIL HYPERMETROPE
VISION DE LOIN FLOUE
l’image reste focalisée en arrière du plan de la rétine, apparaissant floue, en l’absence de jeu accommodatif cristallinien performant.
VISION DE PRÈS (TRÈS) FLOUE
C’est en vision de près que la faiblesse d’accommodation du cristallin se manifeste de façon la plus précoce et la plus gênante. L’image reste focalisée très en arrière du plan rétinien et apparaît très floue sans correction.
VERRE PROGRESSIF
La correction en vision de près (partie basse du verre) s’ajoute à la correction en vision de loin (partie haute) de manière graduelle.
+2 D
+1,5 D
+1 D
VERRE BIFOCAL
(ou DOUBLE FOYER)
La correction en vision de près (partie basse du verre) s’ajoute à la correction en vision de loin (partie haute) de manière abrupte.
+2 D
VISION DE LOIN
VISION DE PRES
Les conséquences de la presbytie sont très différentes selon l’amétropie (ou défaut optique) préalable du sujet. Il est possible de distinguer 3 situations :
1.Chez l’EMMÉTROPE PRESBYTE, la vision de loin n’est pas altérée. L’image d’un objet situé au loin est toujours nette sur la rétine, et la faiblesse d’accommodation n’a de conséquences que sur la vision de près. L’oeil voit net de loin et flou de près sans lunettes.
On dit souvent que “la myopie protège de la presbytie”. Ce n’est vrai que dans une certaine mesure, pour les myopies modérées, et en l’absence de port permanent de lentilles qui, en corrigeant la vision de loin, ne permettent plus une vision nette de près !
- Les yeux myopes faibles (-0,50 à -1,5 D) sont certes “trop puissants” comparés à un oeil emmétrope, mais ne le sont pas encore assez pour compenser la perte d’élasticité cristallin : ils deviendront donc presbytes, mais à un âge plus tardif que l’emmétrope ou l’hypermétrope.
- Les yeux myopes modérés (-1,5 à -4 D) ont l’excès de puissance idéal pour bien voir de près sans lunettes à une distance de lecture utile (entre 25 et 65 cm). Ils seront donc “protégés” de la presbytie en vision de près, mais conservent leur défaut optique de loin.
- Les yeux myopes forts (au delà de -4 à -6 D) sont beaucoup trop puissants : leur punctum remotum, situé à moins de 25 cm, ne leur permet pas une vision nette de près à une distance de lecture classique sans lunettes. Contraints à porter en permanence une correction optique (lunettes ou lentilles) pour leur vision de loin, les myopes forts subissent donc les conséquences de la presbytie en vision de près.
3.C’est chez l’HYPERMÉTROPE que les conséquences de la presbytie sont les plus pénibles. Auparavant habitué à une bonne vision de loin sans lunettes grâce à la dynamique accommodative du cristallin, l’arrivée de la presbytie démasque le flou visuel de l’hypermétrope, d’abord en vision de près - et à un âge d’autant plus précoce que l’hypermétropie est forte - puis en vision de loin. L’hypermétrope presbyte est donc contraint à porter des verres correcteurs convergents pour la vision de près et pour la vision de loin (verres dits “progressifs”), situation ressentie comme très inconfortable.
•Chez l’emmétrope presbyte : c’est la situation la plus délicate car l’amélioration de la vision de près se fera inévitablement au détriment de la vision de loin.
Plusieurs solutions sont proposées, avec un recul et des résultats très variables. Citons les implants intra-cornéens mis en place sous un capot de Lasik pour réduire la taille de la pupille sur l’oeil dominé, afin d’augmenter la profondeur de champ (principe du trou sténopéique ou du diaphragme d’un appareil photographique), et les procédures de type Intracor, destinées à induire une multifocalité localisée par incisions concentriques intra-cornéennes au laser femtoseconde.
4. La chirurgie de la cataracte, enfin, peut proposer une solution à la multifocalité chez le sujet plus âgé présentant des signes d’opacification du cristallin. Par la pose d’implants multifocaux (bifocaux ou trifocaux), réfractifs ou diffractifs, un compromis entre la vision de loin et de près est rendu possible chez des patients souhaitant avant tout se passer de lunettes pour l’essentiel de leurs activités, au prix de halos lumineux nocturnes et de l’absolue nécessité d’un bon éclairage pour la lecture (voir les chapitres chirurgie de la cataracte et chirurgie phaco-réfractive - les nouveaux implants).